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31/05/2018

La signature du tueur

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Chapitre 1 : En route !

Le souffle court, je bouscule un jeune type barbu au sac à dos aussi imposant que s’il contenait la tonne de vêtements que ma mère a tenté de fourrer dans ma valise. Sans m’occuper de ses protestations, je continue ma course effrénée sur le quai. Des voyageurs ont les yeux rivés sur les panneaux d’affichage à la recherche d’un horaire. D’autres sont assis sur leur valise genre le Penseur de Rodin. Sauf qu’ils sont tous habillés !

Je slalome entre ces obstacles humains et c’est à peine si j’entends la voix suave de l’opératrice résonner dans le hall de la gare d’Austerlitz :

- Le train n° 6812 à destination de Brive la Gaillarde : départ immédiat. Prenez garde à la fermeture automatique des portes.

Je m’engouffre de justesse dans la voiture de queue et le train s’ébranle. Je m’adosse contre la porte des toilettes, le front en sueur, le cœur battant à cent à l’heure.

Ballotté par les cahots du train qui démarre, je traverse les wagons jusqu’à ma place en essayant de ne pas atterrir sur les genoux des voyageurs. Je dépose ma valise dans l’emplacement réservé aux bagages et je garde avec moi mon sac à dos. Je jette un coup d’œil autour de moi. Pas la moindre prise pour recharger mon smartphone. Ce téléphone est tellement perfectionné que j’ai sûrement une application pour calculer le nombre de hamburgers engloutis en seize ans. Mais quand la batterie est à plat, la plus basique des fonctions, comme celle du réveil, est hors service.

Sans le coq du voisin, je serais toujours au fond de mon lit. Cette bestiole est capable de vous réveiller au beau milieu d’une grasse mat’ ou de pousser un « cocorico » tonitruant à l’heure de la sieste. Pour être sûr que vous avez bien entendu, il recommence dix fois dans la journée. Un bon motif pour un voisin de porter plainte. Mais ça n’est pas près d’arriver parce qu’à part ma mère, je ne connais personne qui ait envie de s’enterrer à Cambrousse City, le coin paumé où nous habitons.

Je suis perdu dans mes pensées quand je sens une présence à mes côtés. Je me retourne. Reconnaissable à son bonnet de cuir rouge couvrant son crâne, sa cape grise sur les épaules et son nez long et pointu, un gobelin se tient près de mon siège, sous les regards amusés des autres voyageurs.

- Excusez-moi, fait la créature en agitant son billet, mais vous êtes assis à ma place.

A n’en pas douter, c’est un fan de Peter Wells, l’auteur du best-seller d’un livre d’Heroic Fantasy, « Les trois empires de Kernaven ». En quelques mois, ce bouquin a connu un énorme succès. Ses fans n’hésitent pas à s’affubler de masques, de fausses oreilles, de perruques, de tee-shirts à l’effigie des personnages aux pouvoirs magiques sortis tout droits de l’imagination de l’écrivain.

Celui-ci gère à la perfection cet engouement en entretenant le mystère qui l’entoure : à l’évidence Peter Wells n’est qu’un pseudonyme. Aucune photo officielle, pas de page Facebook et des apparitions en public savamment dosées.

Incontestablement, je ne suis pas le seul à me rendre au salon du livre de Brive où Peter Wells figure parmi les auteurs en dédicace, tout comme moi puisque d’après les journalistes, « à seize ans, Arthur Thaur – c’est moi ! - est le plus jeune auteur de polars ». Je sors mon billet de ma poche. Je suis à la bonne place mais pas dans la bonne voiture.

  • Désolé, dis-je en me levant.

Je m’incline en joignant les deux mains devant moi, signe fraternel entre les peuples de Kernaven. Le gobelin me salue à son tour. Je récupère ma valise puis, mon sac à dos en bandoulière, je remonte le train jusqu’à mon emplacement.

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